Quoiqu’en désaccord avec Éric Zemmour sur des questions économiques, je lui accorde un intérêt certain pour ses analyses politiques sur la dérive progressiste de la droite ne s’expliquant que par la démission intellectuelle de celle-ci face au conformisme du consensuel médiatique et à l’affairisme qui la conduit, comme tous les politiques, à raconter n’importe quoi pour un poste rangeant au placard tout embryon de conviction. Avec la bombe à retardement que constitue l’affaire des enregistrements de Patrick Buisson, il était particulièrement intéressant d’entendre l’avis d’Éric Zemmour, proche personnellement et intellectuellement de l’homme qui sent désormais le soufre comme jamais. Au cours des premières minutes de l’émission hebdomadaire qui le voit débattre avec un sous-fifre de la bien-pensance moraliste et collectiviste, Zemmour est clairement en difficulté, incapable de reconnaître l’ignominie du procédé de Buisson. Domenach en donneur de leçons de morale s’en donne à cœur joie et se permet logiquement d’en faire un peu trop face à un Zemmour sur la défensive car le traitement médiatique et les ressorts de cette affaire sont clairs : Puisque Buisson a procédé par des pratiques dégueulasses, c’est toute sa pensée qui l’est aussi.
Surgit ensuite la contre-attaque de Zemmour dès qu’il enfin question de fond et de politique. Après la période délicate passée, Zemmour remet Domenach à sa place avec une analyse presque factuelle qui laisse logiquement entendre que la gauche n’a aucune raison objective de claironner et qu’aucune exploitation électorale ne sera réellement possible.
Les faits, parlons-en : Tel un caméléon en politique, Nicolas Sarkozy avait tenu le discours ad-hoc en fonction de son auditoire en 2007 réussissant l’exploit de ramener la droite sur des thèmes qu’elle avait abandonné au FN tout en nourrissant l’espoir pour la droite libérale qu’un changement de cap se produirait après le radical socialisme de Chirac. En 2012, face à un bilan économique calamiteux et un Bayrou passé de 17% en 2007 à 9% et une Marine Le Pen proche des 20% quelle stratégie le président candidat pouvait-il tenir ? Je maintiens que les 27% de Sarkozy au premier tour tiennent autant à la fascination de ses admirateurs, sensibles à son charisme hors norme, qu’à la ligne buisson. Sans Buisson, pas de second tour ou alors un score à peine supérieur à celui du FN et donc signal d’une défaite inéluctable. Marine Le Pen a d’abord parlé de l’euro et de l’Europe, en disant le mal qu’elle en pensait : Elle songeait probablement que face à la débâcle économique française, trouver un ennemi extérieur sur lequel elle pourrait rejeter la faute serait électoralement porteur. Patatras. Electrocardiogramme plat selon les instituts de sondages. Elle a rapidement bifurqué sur les fondamentaux : Viande Hallal, islamisation galopante de la France etc. Bingo l’électrochoc fut le bon. D’ailleurs en 2014, alors que la crise de l’euro couve toujours et que les pays du sud ne s’en sortent que superficiellement et que la France s’enfonce, les français restent apparemment dans les sondages toujours attachés à cette monnaie. Comme quoi, avant de dénicher des contradictions énormes parmi les hommes politiques, on ferait mieux de réfléchir collectivement à nos propres contradictions dont nos représentants n’en sont que le miroir.
Je relis Toqueville mais au fond, l’égalitarisme socialiste, c’est pas si mal pour être élu…
Sarkozy entrait en campagne en 2012 sur un mode « voyez ce que j’ai fait en Europe pendant la crise » : Mode centriste et lui aussi encéphalogramme plat. Dénoncer la production de viande Hallal et le coût du permis de conduire plus l’identité selon Buisson, allant jusqu’à remettre en cause l’espace Schengen et la notion de frontière l’a lui aussi remis sur les rails, au grand dam des centristes qui nous jouent aujourd’hui les vierges effarouchées. Le fameux discours de Grenoble sur les roms me fait désormais bien rire quand je constate la violence de Valls sur cette population et le traitement d’Hollande de la jeune Léonarda, qui s’essuyant sur le droit espérait justifier une ridicule tentative visant à compenser une prétendue dureté de nos lois… Seulement les faits sont rudes, en 2012, puis en 2013, de mon bureau en plein cœur du 93, je pouvais régulièrement contempler des fumées d’incendies et comprendre leur origine dans la rubrique « faits divers » du Parisien faisant état d’incendies volontaires à proximité de campements roms pour les faire partir.
Dans un « c’est dans l’air » de cette semaine, le journaliste Bruno Jeudy, a clairement dévoilé le dessous des cartes et le pourquoi « l’affaire » Buisson a éclaté au grand jour. Voilà qui me rappelle furieusement mon billet sur les 3 droites : Buisson sentant la droite réactionnaire monter voire désormais majoritaire au détriment de la droite bonapartiste a voulu que s’établisse cette connexion inédite entre les deux axes rompant l’accord tacite entre les bonapartistes et les libéraux.
Convaincu de la nécessité de réformes libérales je suis un peu juge et partie dans cette affaire : Il est clair que la droite qui refuse l’alliance avec les réactionnaires a balancé Buisson, l’enchaînement d’évènements allant dans ce sens plus la proximité affichée de Sarkozy avec des soutiens centristes démontrent ce que je prédisais. Quoiqu’on pense de Nicolas Sarkozy, les récentes révélations de mise sur écoute et autres enquêtes le concernant montrent que François Hollande mise maintenant ouvertement pour être réélu sa confrontation face à Marine Le Pen. Tout est fait pour que le FN soit au centre du jeu et supplante l’UMP. Cette carte suicidaire est jetée avec le même sang-froid et le même dédain que sous l’ère Mitterrand mais elle est désormais suicidaire non pas pour la gauche seule mais pour la France entière. Mois après mois, les fractures que l’inaction économique et le dogmatisme socialiste ouvrent sont autant de plaies longues à cicatriser qui accélèrent la partition de la France en plusieurs morceaux irréconciliables.
Zemmour pense qu’aller plus loin sur la ligne Buisson pouvait faire réélire Sarkozy : je ne le pense pas, mon diagnostic est invariable. Buisson a permis de réduire les dégâts mais le bilan du quinquennat plaidait naturellement pour une défaite. Ce dernier point doit impérativement être gardé en tête par tous les possibles successeurs de Sarkozy, lui-même compris, à savoir que les échecs économiques en se succédant ouvrent la porte grande ouverte aux populismes. Le vote désabusé des français du périurbain pour le FN n’a aucune autre cause que le l’échec économique de la droite qui n’a jamais osé clairement rompre avec le socialisme. Je connais trop de français d’origine africaine (du nord ou du centre) et parfaitement assimilés pour croire que le repli communautariste des émigrés pas intégrés pour croire qu’il y a une autres causes qu’économiques à nos soucis d’identité. Si enfin un homme ou une femme politique changeait vraiment les choses, les livres d’histoire, de philosophie qui au travers de l’éducation nationale font l’apologie du socialisme se verront naturellement contestés. Si on cesse le subventionnement par de l’argent publique, c’est-à-dire nos impôts, des mass-médias qui forgent l’opinion, les choses pourraient changer rapidement. Ni Sarkozy ni aucun gourou de l’UMP n’en ont encore parlé. L’affaire Buisson et ses minables soubresauts pourront facilement à l’avenir prospérer tandis que le très évitable déclin de la France se poursuivra.
Duff Bonsoir
Oui remarquable analyse. Merci.
JdG
Merci à vous.
Cdlt
Je viens d’apprendre que Christian Vanneste, l’ancien UMP qui sent le soufre après ses propos très borderline sur les homosexuels et qui lui a valu son exclusion de l’UMP avait ironisé lui aussi sur le Buisson ardent : Je n’ai pas lu encore son billet, je le ferai peut être. Dans ce monde de suspicion, je préfère dire clairement que ce jeu de mot m’est venu tout seul par tout simplement mes souvenirs de catéchisme et qu’il me semblait marrant à l’heure ou les malheureux avouant encore un lien, même tenu, avec la foi catholique étaient méprisés par le pouvoir actuel et absolument pas défendus par la droite actuelle qui n’ose plus médiatiquement s’afficher conservatrice…