Face aux barons du MEDEF, le premier ministre a déclaré sa flamme aux entreprises et rappelé quelques saines vérités sur le monde des entreprises asphyxiées d’impôts et de règlements. Il était temps qu’un responsable éminent du parti socialiste face son aggiornamento économique et rompe clairement et presque brutalement avec les vieilles lunes marxistes qui prévalaient jusque-là alors que les sociaux-démocrates allemands avaient dès 1959 établi le programme suivant à Bad-Godesberg :
• Renonciation au marxisme et introduction de références à l’éthique chrétienne, à l’humanisme, à la philosophie classique.
• Rejet de l’anticléricalisme, avec approbation de la collaboration avec l’Église.
• « Loyauté totale » à l’égard de la loi fondamentale de la RFA et utilisation de moyens démocratiques pour la lutte politique.
• « Libre concurrence et libre initiative de l’entrepreneur », reconnaissant ainsi l’économie de marché et abandonnant toute idée de nationalisation (sans pour autant abandonner le rôle de l’état).
• Dénonciation du communisme.
• Volonté de faire du SPD le parti du peuple tout entier, toutes catégories sociales confondues.
La cogestion de l’Allemagne par le SPD et la CDU avec des coalitions successives a certainement permis au SPD de tourner le dos à « Die Linke » l’équivalent allemand du Front de Gauche de Mélenchon. A lire cependant ce programme on mesure le chemin qu’il reste à parcourir aux socialistes français, non seulement coupables d’une complaisance décomplexée avec les communistes, mais qui encore en 2012, ont été élus avec une démagogie déconcertante sous le regard complice des médias. Je ne parlerai pas ici de la contradiction abyssale entre le discours de la campagne de 2012 avec la taxe improvisée à 75% et de « mon ennemi c’est la finance » avec le discours à peu près pro-business de Manuel Valls et de la nomination d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie à la place du bateleur communiste Montebourg qui avait tout de même réalisé 17% des votes à la primaire socialiste… Ce sera un tournant « ça passe ou ça casse » tandis que tous les ingrédients réunis plaident franchement au déchirement. Par quelques graphiques j’ai voulu illustrer concrètement l’époque post-Thatchérienne de John Major et surtout de Tony Blair afin de vérifier que le « new labour » avait lui aussi fait son Bad-Godesberg et prouvé qu’une majorité dite de gauche avait su géré convenablement un pays avec comme condition de départ l’acceptation de l’économie de marché et la saine gestion des finances publiques.
La préférence naturelle au chômage des français.
Ce qui est fondamentalement intéressant à comparer la France avec nos voisins britanniques c’est qu’on mesure avec clarté que des réformes économiques prennent du temps à produire leurs effets et qu’en cas d’alternance, celui qui hérite d’une situation pourrie ou en amélioration, n’en fait pas la même chose ni n’est en situation d’en profiter. Voici une série de 3 graphiques qui comparent la France avec le Royaume-Uni sur les plans croissance/chômage/endettement publique.
Économiquement, Blair fait mieux que la droite française… Hummm comment dire? N’aurions-nous que des socialistes de droite?
Deux éléments frappent immédiatement : Au gré de l’augmentation de la dette publique, la croissance lissée sur plusieurs années décroît, les économistes disent avec un fatalisme concupiscent que la France perd 1% de croissance potentielle chaque décennie depuis la fin des 30 glorieuses. Les keynésiens mettent évidemment l’accent sur le ralentissement démographique et oublient copieusement le poids grandissant de la dette. C’est en partie vrai mais voilà plus de 30 ans que l’endettement français ne se compose plus majoritairement d’investissements en infrastructures ou en grands projets de nature à favoriser le commerce et le progrès économique. La France en est arrivée au stade ultime avant la faillite où l’endettement sert à rembourser les intérêts de la dette et à payer ses fonctionnaires devenus trop nombreux et aux traitements trop avantageux. Elle sert aussi à éponger ce que le secteur marchand saturé d’impôts ne peut plus absorber : Un système de retraite par répartition, invention du Maréchal Pétain qui est une chaîne de Ponzi par excellence, une indemnisation du chômage et une assurance maladie d’une générosité aveugle.
Il est possible en 3 ans de passer de 50 à 40% d’endettement vs PIB sous un gouvernement travailliste. Comme il est possible de passer de 70 à 100 dans la même durée avec un gouvernement UMP en France. Étonnant non?
Après Valls, ce fut au tour d’Alain Juppé d’entrer en piste et de se frotter aux désidératas des donneurs d’ordres. Comme prévu le sage se voulait rassurant, apaisant mais au fond si lisse, trop poli, en comparaison au risque inouï et salutaire que Manuel Valls avait pris quelques heures auparavant. Interrogé et même bousculé par Denis Kessler, en dehors des 35h qu’il veut abroger sans dire comment, le reste fut d’un socialisme de droite convenu plan-plan et finalement angoissant compte tenu de la gravité de la situation… Le vieux sage a largement mérité de prendre sa retraite et garder avec lui sa posture rassurante qui n’apaise que les retraités qui, patriotes, veulent que le pays change sans trop bouger. Les propos d’Alain Juppé n’ont pas encouragé les sifflets qu’il méritait parce que ce bon patronnât démissionne vite après avoir énoncé sans conviction quelques principes de base sur l’entrepreneuriat, rapidement les discussions entre lui, les syndicats et le gouvernement tournent à la négociation du chèque pour les entreprises du CAC 40. Je n’ai jamais compris pourquoi la CGPME ne dénonçait pas plus vigoureusement ce capitalisme de connivence derrière lequel les sociaux-démocrates et la droite française se sont rangés il y a belle lurette.
Le sauveur de la France apaisée et souriante… Ou comment l’entretien des illusions plaît aux naïfs et aux médias intéressés…
Comme beaucoup de libéraux venus de la gauche, Kessler sait que la vrai injustice sociale c’est de ne pas avoir d’emploi, que le SMIC est un frein à l’emploi parmi d’autres et que pour retrouver croissance et abondance à partager, c’est le modèle social communiste issu du CNR de 1945/1946 qu’il faut abattre. Juppé refuse d’aborder ces points alors qu’on voit bien actuellement que faire des réformes en dehors du cadre de ce qui a été discuté lors de la campagne présidentielle est mortifère pour le pouvoir. Seuls Bruno le Maire, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand osent remettre en question ce fameux modèle social français tellement jalousé qu’il n’a été copié nulle part dans le monde occidental. Quant à Valls, il n’aura ni le temps économique ni le temps parlementaire de mettre en pratique le bon sens affiché à Jouy en Josas. Tout au plus, il pourra à l’avenir se poser comme une alternative à la démagogie gauchiste marxisante en évoquant qu’on peut comme en Grande-Bretagne être travailliste et bon gestionnaire. Seulement, ne l’oublions pas, en période de crise, les vieux démons de la relance boostée par la dépense publique reviennent, Gordon Brown a complètement salopé le bilan de Blair en dépensant, en ne réformant pas et en se couchant devant la city, Manu en ferait de même.
Adieu Manu, essaie de finir ce que tu as commencé, il ne te reste que peu de temps…
Le Danemark étant en train de réduire ses dépenses publiques, la France sera en 2015 le pays de l’OCDE qui aura le plus haut ratio de dépenses publiques ramenées au PIB. Ce sera l’heure de vérité, et comme disait le général : « « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a en moi d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai d’instinct l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j’en éprouve la sensation d’une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. » . Le malheur exemplaire se profile et se présente très menaçant, le génie de la patrie saura-t-il s’en remettre pour une destinée exceptionnelle ?