La réélection triomphale de David Cameron est une leçon et pas seulement à la droite française

Bien que je suive assidûment la politique britannique depuis plusieurs années, je ne vais pas me lancer dans une analyse aussi poussée que de fins politologues britanniques pourraient faire. Je me vais me contenter des faits et de les mettre en perspectives avec la catastrophique classe politique française dont la gestion du pays est logiquement tout aussi désastreuse. Avant toute chose, il vaut mieux savoir se situer et pour cela, il existe un excellent test d’affinité politique qui permet de nuancer ses réponses et de leur assigner une priorité. Première surprise, il n’a pas dans le but de se situer sur un axe gauche/droite comme les tests merdiques en langue française : Il ajoute une dimension supplémentaire libéral/autoritaire.

fff

Seconde surprise! Flûte c’est pas très bisou compatible ce résultat, hier soir BFMTV me parlait de Farage comme étant un leader d’extrême droite! Pourtant les extrêmes, c’est pas leur apanage de foutre de l’état partout?

Sans surprise pour mes lecteurs et gens qui me connaissent, si j’étais anglais je ne serais pas capable de choisir entre UKIP et les conservateurs alors qu’en France, je traite la droite parlementaire de socialiste économiquement et de fausse droite sur le plan des valeurs et je me sens proche sur Parti Libéral Démocrate. La cruauté du mode de scrutin anglais, uninominal à un seul tour, diffère du modèle allemand ou madame Merkel a vu son allié libéral FDP passer à la trappe sous la barre fatidique des 5% nécessaire pour entrer au Bundestag. Merkel a failli remporter la majorité absolue et les médias français oubliant le score historique de la CDU/CSU pourtant mordillé aux chevilles par l’AfD n’ont vu que la nécessaire coalition avec les socialistes et les « espoirs » dont ceux-ci seraient (faussement) porteurs bien que clairement défaits dans les urnes. Cameron s’est débarrassé de Nick Clegg, le leader libéral-démocrate et remporte seul la majorité contre toute attente, surtout celle des médias français. Paradoxalement, j’y vois une très bonne première leçon, secondaire certes, mais instructive : Quand un parti centriste prétendument libéral ne s’occupe au pouvoir que de la promotion du fédéralisme européen et de progressisme des mœurs, il se fait éjecter au profit de son allié conservateur de droite qui résiste aux sirènes du socialisme. Cela mériterait une analyse plus profonde et détaillée pays par pays évidemment. D’un point de vue tactique, Cameron et les conservateurs ont évidemment lâché en rase campagne leur allié pour éviter un vote trop massif des indépendantistes de UKIP mais ça ne peut pas être la seule voire la principale raison de la claque que les Libdems ont reçu. Être au pouvoir et défendre des idées intégralement libérales sont-elles deux choses possibles? En France, soit l’UDI en France défend des idées franchement libérales économiquement parlant pour se distinguer de nos crypto-gaullistes étatistes soit il mourra. Mon intuition c’est qu’il mourra ou se diluera dans une mouvance de socialisme light, stratégie perdante de François Bayrou.

caca

Les anglais sont pragmatiques, depuis l’habeas corpus, cette démocratie est en avance sur le plan politique et même économique, son redressement avant celui de la France qui se fait attendre est logique.

L’autre leçon secondaire du scrutin est le relatif échec de UKIP à vraiment faire son entrée au parlement de Westminster et l’échec personnel de son leader, Nigel Farage, d’être élu député lui qui était déjà et demeurera député européen. Mais il faut garder à l’esprit que la progression de UKIP aux élections générales de Grande Bretagne est spectaculaire et que des questions hier interdites sont maintenant ouvertement sur la table désormais. Malgré un traitement rugueux par les médias britanniques, Farage avance ses idées et les de-diabolise bien plus efficacement  et rapidement que les figures nationales socialistes françaises à la tête du FN. J’en tiens pour preuves les simagrées récentes à la tête de ce parti en plein déchirement idéologique. Finalement, il valait mieux que Cameron ait les coudées franches avec l’obligation d’organiser le référendum sur la sortie de l’UE sans les libdems dans les pattes ou avec une coalition avec UKIP qui de facto l’aurait dégagé. Il n’y avait pas de remplaçant en cas de coalition Conservateurs/UKIP et de toute façon, si UKIP avait fait un plus gros score, la coalition gagnante aurait été entre les travaillistes et les indépendantistes  écossais. Totalement incohérente coalition compte tenu du discours unioniste de Miliband l’an dernier sur le référendum écossais. Sturgeon et Miliband ne se serait retrouvés que sur le plus petit dénominateur commun à savoir un socialisme désuet au parfum bien français. Cameron va cependant devoir gérer la velléité séparatiste des écossais nullement douchée par la défaite au référendum d’indépendance de l’Ecosse ce qui semble donner des idées aux gallois aussi. Voilà qui ne simplifie pas sa tâche si l’Angleterre veut de plus en plus sortir de l’UE et ses provinces y rester et s’émanciper de Westminster.

Les deux plus grosses leçons du scrutin sautent aux yeux et fouettent très fort la pensée unique française. Pour commencer, tous les leaders des partis battus ou aux espoirs déçus ont démissionné. Exit Clegg, Miliband et Farage. UKIP reposait essentiellement par le charisme de ce dernier, il reviendra j’en suis sûr mais il sort grandi comme à chaque fois qu’il remet sa démission. Je ne vois pas comment le seul député UKIP peut prendre et développer un mouvement dont le leader naturel est si incisif et charismatique. De l’autre côté de la Manche, le soir du 6 mai 2012, qui a démissionné ? Sarkozy a fait des adieux en forme d’au revoir à la différence de Jospin dix ans plus tôt, Marine Le Pen se déclarait gagnante comme tous ceux qui, avant elle, étaient arrivés troisième et donc battus à l’élection présidentielle tandis que Jean Luc Mélenchon insultait le peuple trop con ne méritant pas son exceptionnelle intelligence. Les pays occidentaux sont gangrénés par la bureaucratie et une élite oligarchique mais certains arrivent à régénérer leur classe politique mieux que d’autres. Le Royaume Uni en fait partie. Enfin, le point le plus important qui gifle nos socialistes, l’élite corrompue au minimum sur le plan intellectuel : Cameron avait un programme et une vision en 2010. Il l’a appliqué, a récolté les fruits et a été réélu. Il s’est même permis de faire passer comme une lettre à la poste le mariage unisexe malgré un électorat réticent. Un dirigeant aussi fin tacticien, courageux dans les réformes, ne doit rien au hasard dans ce triomphe, c’était mérité n’en déplaise aux sondeurs payés pour entretenir un faux suspens.

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A propos Duff

Ingénieur consterné par le monde dans lequel il vit...
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9 commentaires pour La réélection triomphale de David Cameron est une leçon et pas seulement à la droite française

  1. zelectron dit :

    J’ajoute que les électeurs anglais on fait preuve d’intelligence stratégique remarquable en ridiculisant les pronostiqueurs ainsi que les jugements à priori des journalistes pontifiants, j’en suis heureux pour Cameron !

    nb . . . à force de prendre leurs concitoyens pour des imbéciles . . .

    • Duff dit :

      Je ne suis pas étonné que la presse ne l’ait pas vu venir, elle VOULAIT Miliband! Oui les britanniques sont pragmatiques, ils ont pesé toutes les options et ont choisi la meilleure. Que ce soit les médias – et pas qu’en France, faut voir la BBC – ou les socialistes, ils ont pour caractéristique de ne pas faire confiance au peuple. C’est basiquement la raison pour laquelle ils sont planistes.

      • Nathalie MP dit :

        – « ne pas faire confiance au peuple. C’est basiquement la raison pour laquelle ils sont planistes. » : exactement mon avis.
        – « la presse ne l’ait pas vu venir, elle VOULAIT Miliband! » : peut-être, mais je ne crois pas qu’on puisse remettre en cause les sondeurs. Il y a semble-t-il « a shy tory vote » ou « shy tory effect » qui a joué jusqu’au moment des urnes. Ca s’est déjà vu pour John Major en 1992. Mais s’il y a un vote honteux tory, c’est que la pression sociale de gauche est forte, bien sûr.
        Cordialement, Nathalie MP.

  2. François Carmignola dit :

    Le massacre des libéraux est une bénédiction pour les tories ! On a donc effectivement une caractérisation des libéraux pour ce qu’il sont: des libéraux sociétaux, éreintés par le vrai libéralisme conservateur anglais, celui de Thatcher, qui nous manque tant…
    Et oui, notre droite n’osa jamais faire cela, et le mal que Chirac fit à la France en la livrant à Mitterand avant et après sa mort n’en finit plus de nous ruiner.
    Vous avez donc raison sur ce point.
    Un autre est que l’Angleterre est gérée par des gens qui ont pour souci l’intérêt de leur pays, et Cameron gagnera aussi le référendum sur l’Europe car il a lui une attitude pleinement européenne: celle du chef d’une nation, pas d’un moraliste prétentieux et arriviste, celui qu’il vient d’éreinter magnifiquement.
    Contre les deux bêtises modernes, l’électorat du Royaume Uni nous donne donc deux magnifiques leçons en plus de la troisième: qui ose vaincra!

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