Le dépôt des candidatures étant clos et sous réserve que tous les impétrants ayant déposé leurs parrainages pourront bien prendre part à la compétition, nous savons donc quels seront les 9 candidats en lice. C’est par conséquent le moment de passer en revue leurs profiles ainsi que les axes majeurs de leurs programmes dans le climat actuel comme toile de fond et de tenter de dresser des perspectives. Avec une abstention record de près de 50% ces derniers temps sur un fond de péril islamiste et d’incertitudes économiques, avec une désagrégation de la gauche mais aussi une droite en déficit de crédit, il est bien difficile d’y voir clair. Je ne ferai aucun pronostique, je me bornerai qu’à établir quelques constats pour essayer de nourrir une réflexion que les médias entravent quotidiennement avec leurs facéties superficielles et leur emballement pour des gens ou des idées qui n’en valent pas la peine.
Commençons par les absents, ils ont toujours tort, et surtout, ils n’avaient rien à faire là. Nadine Morano était une créature médiatique de Nicolas Sarkozy, la gouaille d’une poissonnière, la populo de droite mais étant une femme elle répondait aux injonctions des élites parisiennes s’offusquant de la faible présence de femmes dans le personnel politique (mais jamais au sein de leur propre sérail). Sauf que Nadine, sa franchise lui a même permis de dire haut et fort autre chose que des conneries. Ses propos déplacés citant hors contexte Charles de Gaulle ne lui ont valu que des quolibets servis sur un plateau de la part des membres éminents de son parti révélant la faiblesse de leurs convictions et leur soumission au politiquement correct. Sarkozy le premier mais il ne fut pas le seul… Autre acte de soumission évidente, François Fillon qui a annoncé cette semaine qu’il voterait Hillary Clinton plutôt que Donald Trump comme Bruno Le Maire le fit il y a quelques semaines. Certes Trump sent la poudre mais Clinton la mort… Plutôt que de dire que cette curieuse élection américaine se conclurait sur un choix par défaut, Fillon a préféré vendre la mèche : la droite française est plus proche des démocrates américains. Aveu que la droite de gouvernement depuis une quarantaine d’années est socialiste, ce que depuis quelques décennies tend à devenir les USA, pour se rapprocher des sociales-démocraties européennes, entendre pays socialistes qui tournent le dos à la tradition libérale des Lumières depuis 1945 (voire même avant) qui avait un tantinet mieux résisté dans les pays anglo-saxons. Quand on dit que la France a 20 ans de retard sur les USA, c’est sous Obama que j’ai enfin compris qu’en vérité elle avait 20 ans d’avance.
Exit aussi Geoffroy Didier. Mérite-t-il qu’on en parle? Cette tête à claque me paraît tellement insignifiante que je ne prends aucun risque à oser dire que non. Il y a des candidatures de témoignage qui ne servent à rien et d’autres, comme Morano, au détour d’une petite phrase qui déclenche la polémique révèlent de vrais clivages idéologiques, de vraies lignes de fractures. Le Rastignac vivant bien de la CMU politicienne, à la mèche aussi travaillée que la vacuité de sa boîte crânienne, lui, ne présente aucun intérêt. Examinons plutôt ce qu’il reste de souverainistes gaullistes que la feu UMP a fini d’achever après le tournant idéologique calculateur et encore une fois résultant d’une soumission opéré par Jacques Chirac et Alain Juppé en 1992 lors du référendum de Maastricht et l’avènement de l’euro. L’UMP c’était l’alliance des deux partis majeurs opposés au socialisme tenté par l’internationalisme : d’une part les gaullistes étaient sourcilleux sur l’indépendance et la souveraineté de la France, condition sine qua non selon eux pour assurer des conditions démocratiques à une Nation quitte à verser dans un dirigisme bonapartiste, et d’autre part des centriste européistes sur le papier plutôt libéraux. Cette alliance a enfanté d’un Frankenstein qui n’a retenu que le pire des deux… Au revoir les idées libérales et la souveraineté pour se fondre dans un magma gluant d’union politique européenne en espérant qu’elle soit la plus jacobine, étatiste et planiste possible. On comprend dès lors que des Nicolas Dupont Aignan et Henri Gaino ne peuvent en aucun cas percer, ils sont des fantômes du RPR version appel de Cochin de Jacques Chirac. Ils n’ont rien compris à la mondialisation et aux bienfaits du marché commun version traité de Rome qui date déjà de 1958. Protectionnisme, socialisme, étatisme, dirigisme pour nous libérer? Plus de 150 ans de retard. Il y avait un autre « faux » candidat, le député maire de Maisons-Laffitte, Jacques Myard qui n’a, comme je le pressentais dès le départ, jamais travaillé pour recueillir des parrainages et qui s’abritera probablement derrière de fausses excuses pour expliquer son échec. Depuis des lustres ce souverainiste a compris que l’UMP puis LR s’interdisait tout débat sur l’euro alors que sous sa forme actuelle, tout le monde sait et beaucoup feignent d’ignorer qu’il n’est pas viable, que les institutions de l’UE ne sont pas assez démocratiques et que ses compétences sont trop larges. Que propose-t-il? Nostalgie de la dévaluation, protectionnisme, jacobinisme, refus de la concurrence… Effrayant. Un bon mot sur la Syrie et 10 ébouriffants de bêtise en économie… Pas étonnant donc que sans le savoir tous ces gens valident le virage socialiste du FN.
Penchons-nous maintenant sur les candidats officiels. Nicolas Sarkozy peut gagner mais il traîne des casseroles un magasin BUT entier. Juppépé est vieux, condamné (tout de même pour la magistrature suprême!) et est une fabrication des médias, Fillon peu courageux et charismatique pour un pilote, Le Maire ringardisé par le phénomène médiatique Macron qui altère l’image des personnes du centre droit au centre gauche. L’UDI et le Modem vont se casser les dents sur Macron : il a dit tout haut ce que ces poules mouillées engluées dans le professionnalisme de la politique leur interdit de dire. Le Big Four ne dit pas un mot de l’€ et de l’UE. Trop ardu. Pourtant si essentiel. L’intérêt possible de cette primaire pourrait bien être sauvé par la présence de petits candidats animés de plus de foi, de convictions et d’un certain soutien apporté par un publique plus large que ne le voudrait le président du mouvement politique. Nathalie Kosciosko Morizet sera la caution féminine. Du boboïsme de droite avec de l’escrologie (le souci écologique débouchant systématiquement sur des solutions étatiques et fiscales), du libéralisme teinté de socialisme bref un fatras idéologique indigeste qui nous rappellera encore pourquoi les parisiens ont préféré l’original à la copie. Elle se rangera derrière Juppé sans moufeter et ses gesticulations inutiles feront naturellement « pschitt » comme tout ce qui s’apparente de près ou de plus loin à Chirac. Vient ensuite Copé. Comme la mèche folle, je ne saisis pas sa candidature. En 2012 pour prendre l’UMP qu’il dirigeait par intérim, on pouvait comprendre. Il a triché si bien qu’il a médiatiquement tué Fillon qui s’est fort mal défendu . On pensait qu’il chauffait la place en vue du retour de Sarkozy et bien que blanchi dans l’affaire Bygmalion, entreprise dirigée par des amis, voilà qu’il veut s’émanciper. Lui aussi fera moins de 2% et c’est tant mieux, sa volonté de gouverner par ordonnances comme les infâmes technocrates du conseil d’état qui ont voulu de la sécu et du RSI est éminemment dangereuse démocratiquement parlant, même Sarkozy responsable de la forfaiture du traité de Lisbonne le lui a fait remarquer! Hervé Mariton va porter un projet libéral/conservateur. Ses positions sont claires nettes et précises et structurées intellectuellement. Contrairement à lui je ne pense pas opportun de revenir à la charge sur la loi Taubira, les autres candidats, même Juppé, sont opposés à la GPA donc il est inutile à mon avis d’user le soleil là dessus, les débats éthiques que va provoquer le transhumanisme me paraissent infiniment plus importants. Même si Mariton pourrait faire éclater la vérité sur le vrai faux programme libéral de Fillon, je le vois bien se ranger derrière lui. Que fera-t-il si le second tour oppose Sarkozy et Juppé? Ministre de Chirac rejoindrait-il Juppé pour lui apporter une caution conservatrice et un crédit sur le plan des réformes économiques? Possible, élément à surveiller.
Reste deux candidats. Jean-Frédéric Poisson représente le Parti Démocrate Chrétien (ne pas oublier le second « e » dans Chrétien). Il est certes plus présentable que l’ineffable Christine Boutin mais ses idées sont hélas à peu près les mêmes. Socialisme de droite combiné avec un conservatisme archaïque. J’en attends à peu près rien sauf éventuellement sur le triste sort des chrétiens d’Orient et des implications en matière de politique étrangère. Comme Myard et d’autres lucides chez LR, il a défendu l’idée que renverser Bachar El Assad conduirait à bien pire que cette dictature laïque, à juste titre. La Syrie est dévastée et les chrétiens persécutés pour savoir quelle branche de l’islam pourra exporter son pétrole vers l’Europe via la Syrie, voilà où nous en sommes. On ne va pas en revanche demander au PCD d’établir le lien entre christianisme et liberté, faut pas pousser, le souverainisme de droite en France mène invariablement au protectionnisme semblable à celui des socialistes canal préhistorique. Enfin, il reste le cas très intéressant de Frédéric Lefebvre. L’ancien porte flingue de Sarkozy s’est émancipé depuis les USA et paraît aujourd’hui loin du gaffeur digne de Zadig et Voltaire. Discours simple, concret, direct, refus de la petite phrase et propositions marquantes. Il reprend, avec un peu moins de talent mais avec une conviction indéniable, la proposition de revenu universel inconditionnel défendue par de brillants libéraux. La proposition est indiscutablement séduisante pour peu que les avantages vendus avec l’énorme simplification du maquis d’aides sociales et de son coût de fonctionnement faramineux soient en rendez-vous. Réticent philosophiquement à ce revenu universel, je trouve très intéressant que Lefebvre puisse défendre ses idées à la primaire et le fait qu’il ait pu recueillir les parrainages – chose improbable dans mon esprit il y a encore peu – prouve que l’action combinée du ras le bol des caciques de droite, de l’abstention en général, et d’un début de renoncement au non-dit à droite commencent à porter ses fruits. Le plus intéressant chez lui c’est qu’il porte la seule véritable proposition libérale loin des petits calculs comptables sarthois : la liberté d’affiliation au RSI. Enfin une mesure favorable à la liberté des individus que Lefebvre n’a pas hésité une seule seconde à mentionner dans sa déclaration de candidature hier. Plutôt que de réformer le RSI dans le cadre prescrit à l’ENA comme Bruno Le Maire, Lefebvre assume la logique jusqu’au bout : ceux qui sont contents du RSI qu’ils y restent, ceux qui pensent que l’herbe est plus verte ailleurs et que le capitalisme peut fort bien s’arranger avec le mutualisme, qu’ils aient la liberté de brouter ailleurs. Pour transformer notre sécu communiste en opérateur historique en concurrence avec des assureurs privés, on ne peut pas s’y prendre mieux. Rien que pour ça j’ai hâte d’entendre les réactions timorées voire soumises des autres candidats ce sera très instructif à coup sûr. Espérons donc que sa candidature soit validée ce qui ne semble pas formel au moment ou j’écris ce billet.
Maintenant ce qui serait souhaitable, compte tenu du nombre de candidats, c’est que plusieurs débats sur différents thèmes puissent se tenir au lieu des émissions généralistes animées par des journalistes incompétents… Aucun candidat n’est proche de mes idées, ils ont tous des défauts. Le plus inquiétant c’est que parmi ceux qui ont chance de l’emporter ce sont des revenants qui occupent les écrans depuis trop longtemps et aux bilans très médiocres entachés par des actions erratiques dépourvues de toute colonne vertébrale idéologique. Ils auraient bien torts par conséquents de fanfaronner le soir du second tour en pensant que c’est gagné et qu’il ne restera plus qu’à battre Marine le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le chemin d’ici là sera encore semé d’embûches.
.
Effectivement, s’il pouvait y avoir de vrais débats, publics …