Donc Valls y va, fin du suspens. Tous les commentateurs chevronnés que compte notre beau pays ont martelé la semaine dernière l’idée selon laquelle la défection de François Hollande était inédite. Il serait plus juste de relever le fait rarissime que c’est le premier ministre en exercice qui a démis le président de sa fonction! Manuel Valls n’a pas tardé, à peine son ancien boss exécuté, sans attendre la clôture des dépôts de candidature fixée au 15 décembre, il se lance depuis son fief, comme on dit, avec une mise en scène si peu sophistiquée que même les médias mainstream l’ont raillé rappelant que Valls déplorait la faible proportion de « blancos » en 2009 déambulant dans sa chère ville d’Evry.
Outre le slogan creux qui reprend la sempiternelle volonté de rassemblement mise en exergue immédiatement par les personnalités clivantes, Sarkozy en 2007 avait notamment affirmé « Ensemble tout devient possible », Valls recycle les vieilles ficelles de la gauche française. Le parterre entourant le candidat du peuple – prétendu comme tel – mérite qu’on s’y intéresse. Se soumettant à l’anti-racisme imposé par les élites médiatiques penchant à gauche, Nicolas Sarkozy avait nommé des femmes ministres, si possible issues « de la diversité » en pensant plaire, aucune ne l’ont soutenu par la suite (Rachida Dati possiblement par ressentiment tenace envers François Fillon qui lui a grillé la politesse dans sa circonscription en 2012). Le think tank socialiste « Terra Nova » assume la segmentation de l’électorat en clientèles à séduire sacrifiant l’idée d’intérêt général : en occident il y a un noyau dur de 30/35% d’électeurs naturellement portés soit sur la gauche soit sur la droite et les 30/40% restants composés d’indécis et de minorités ethniques. Convaincre ces derniers que la droite, opposée à l’immigration, est capital pour répandre durablement l’idée fausse que les dirigeants de droite seraient plus racistes que ceux de gauche. D’où la religion de l’anti-racisme, de la repentance et la culpabilisation outrancière voire mensongère historiquement sur l’esclavage et la colonisation : cette stratégie a permis l’élection du maire de Londres Sadiq Khan. Cette même stratégie a pourtant été éventée très maladroitement par Claude Bartolone ce qui lui a coûté la région Île de France tant les électeurs du FN se sont comme aucuns autres en France porté sur Valérie Pécresse au second tour. Aux USA, elle n’a pas fonctionné alors qu’Hillary Clinton avait grandement misé dessus. Enfin, il n’est pas impossible que des fous comme Alain Soral et son blog politique très consulté ait une certaine audience auprès de jeunes vivant ou issus des banlieues islamisées, blog sur lequel le prédicateur antisémite prend régulièrement pour cible Manuel Valls sur fond de « Quand même » repris un soir sur France 2 par Floriant Philippot face au principal intéressé.
Le parcours de Valls présente des similitudes assez troublantes avec Nicolas Sarkozy : propos tranchés qui heurtent une partie de son camp, transgressions idéologiques, pipolisation, bonapartisme. Il est passé en moins de 5 ans de la position de simple soutien au second tour de la primaire de 2011 à celle d’un pilier efficace en campagne des présidentielles 2012 à rempart indispensable à l’intérieur puis à Matignon. In fine, Valls achève Hollande qui s’était méthodiquement fait l’artisan de son propre empêchement. La trahison de Valls à celui à qui il doit tout est de nature différente de celle de Sarkozy en 1995 envers Jacques Chirac d’autant que ce dernier à son regret avait du rappeler Sarkozy sans pouvoir contrarier ses ambitions présidentielles en lui collant Dominique de Villepin dans les pattes. Tout va beaucoup plus vite avec Valls. Trop vite, pourquoi se présente-t-il en sachant qu’il n’a que fort peu de chances et que sur l’autel du réel, le PS peut mourir comme il l’avait prophétisé à La Rochelle? Ma thèse ce soir c’est qu’en cette période d’accélération de l’histoire, il est risqué de laisser une place vacante. François Mitterrand a pu se présenter en 1965 face à Charles de Gaulle puis face à Valéry Giscard d’Estaing en 1974 avant de l’emporter car la France a globalement été bien gérée jusqu’à 1981. L’accélération de l’histoire fait que de ne pas chercher à en être en 2017 risque de vous mettre sur la touche en 2022. Mais comment sortir la tête haute d’une probable défaite en 2017 qui risque au sortir des législatives de scinder le PS? Ou alors, Valls serait conscient que la gauche ne peut pas réformer le pays avec plus d’un quart de ses membres n’osant pas assumer leurs idées communistes comme Mélenchon et qu’il faudrait s’en débarrasser à n’importe quel prix? Il est vrai que ce travail aurait du être fait en 2002 après le choc du 21 avril mais le premier secrétaire de l’époque avait décidé qu’il était urgent de ne rien faire, c’était un certain François Hollande…
Avant même que François Hollande ne s’éclipse, son ancien conseiller et ministre Emmanuel Macron se lançait balayant d’un revers de main toutes les tentatives risibles des médias et du PS de le voir concourir à la primaire du PS. En ces temps troubles ou tout le monde mais surtout ceux qui n’arrivent plus à vendre leurs feuilles de choux remplies d’inexactitudes et d’analyses rasant les pâquerettes, on cherche la surprise. Comme si le Brexit et l’élection américaine qui avaient déjoué tous les pronostics bien pensants signifiaient nécessairement que les français étaient à leur tour déterminés à faire mentir toutes injonctions du système… Non seulement ce n’est pas le cas et c’est ne rien avoir compris les ressorts des votes Trump et Brexit mais surtout nier le plébiscite clair et net de François Fillon, homme tout sauf neuf mais clair et précis, dépourvu de casserole tapant gentillement sur ces journalistes autant imbus d’eux mêmes que les politiciens professionnels en échec partout en occident. Macron c’est le pur produit du système, énarque, inspection des finances, passage dans une banque proche de la gauche sans démissionner de la fonction publique pour empocher en un an plus qu’un connard de sans-dent dans sa vie, conseiller d’Hollande validant son choc fiscal de 2012 puis ministre des faillites et d’une misérable ouverture à la concurrence du transport par autocars. Aucune privatisation (celle des aéroports avaient été décidée sous l’autre crotte de Montebourg) pire, montée au capital temporaire de Renault pour l’histoire des votes doubles mais location de titres donc rétribution. Macron a enrichi sur le dos des contribuables français quelques uns de ses potes de la Deutsche Bank alors que l’état n’a plus rien à foutre dans le capital d’une firme non stratégique (tout comme PSA alors qu’on pouvait se poser plus de questions sur les turbines militaires d’Alstom). J’enrage de lire des twittos libéraux s’émoustiller avec ce renégat de salons parisiens, ce Rastignac des autocars, pur produit made in Attali, sans parti, sans élu. Fort heureusement, sorti du périphérique parisien ou de quelques grandes agglomérations mondialisées, son discours sera inaudible d’autant plus qu’il n’a aucun charisme et que son talent d’orateur à la tribune tangente le 0 absolu. Mais je suppose que ses soutiens sont assez habiles pour encaisser une dette supplémentaire en ne franchissant pas la barre des 5%…
Pour conclure, faut-il aux sympathisants de droite participer à la primaire de la gauche comme l’ont fait des sympathisants de gauche désireux de virer Nicolas Sarkozy et ensuite craignant un second tour Marine Le Pen vs le candidat de droite le moins loin de leur idées? A part retarder l’échéance, les votes venus de centristes qui ne votent pour le candidat de droite qu’au second tour ou les voix de gauche n’ont servi à rien. Il en sera de même à gauche. Tout au plus limiter l’écart entre Valls et Montebourg. Seul face aux frondeurs et un horripilant Arnaud qui sera tenté par la démagogie comme jamais, Valls a assez d’ennemis dans son propre camp… Si le PS réunit 2 millions de participants ce sera déjà assez beau, pas la peine de venir grossir les rangs d’autant que derrière il lui faudra éteindre Macron, autant de temps perdu à combattre le « purge ultra-libérale » de Fillon le tout en se faisant élire sur un projet tout sauf marxiste… Si le « blast » de gauche sauce Valls ne se matérialise pas rapidement, l’opinion en toute connaissance de cause pourrait fort bien enterrer l’idée d’un vote utile et se résoudre à une élimination dès le premier tour d’un champion mal aimé et mal désigné… A suivre donc.