Dans un billet précédent j’avais positionné les candidats selon le diagramme de Nolan. Quoi qu’éclairante, cette représentation n’est pas satisfaisante compte tenu des sujets abordés au cours d’une campagne présidentielle lorsque par miracle les débats ne s’effacent pas derrières les polémiques navrantes et les boules puantes. Deux dimensions ne suffisent pas à convenablement décrire la situation dans laquelle la France se trouve du fait de ses impératifs européens. Je vois au moins 3 sujets politiques majeurs au quotidien pour lesquels la distinction entre progressisme et conservatisme à l’horizontal, libéralisme et autoritarisme à la vertical est particulièrement délicate à établir. Ces 3 sujets sont les suivants : économie, questions sociales et celles qualifiées de « sociétales », Europe et affaires étrangères.
Reprenons les considérations de mon billet sur les 3 candidats qui ont une chance réelle d’accéder à l’Elysée en mai prochain.
- E. Macron. Économiquement social-démocrate avec un zest de libéralisme notamment lorsqu’il a présenté une réforme des retraites aux contours très flous mais plutôt libérale dans la lettre. Plus que la réforme paramétrique de Fillon sur le papier, après on connaît la chanson, le diable se cache dans les détails. Il n’est pas risqué de supposer que le libéralisme de Macron est opportuniste, cette réforme des retraites a été annoncée comme par hasard au moment ou la pression était maximale sur Fillon et que des libéraux de centre droit étaient le plus tentés de le lâcher. Progressisme light sur le sociétal, à ma grande surprise, Macron n’évoque même pas la dépénalisation du cannabis, il aurait portant une occasion en or d’achever Hamon, condamné à guerroyer avec Mélenchon tout en passant pour un libéral cool. Europhile convaincu, il n’hésiterait pas à céder davantage de prérogatives à l’UE et donc encore plus de transferts de souveraineté.
- F. Fillon. Économiquement il se propose d’actionner les principaux leviers pour décorseter l’économie française, c’est vaguement libéral mais nous souffrons de maux parfaitement identifiés sur lesquels il va bien falloir agir faute de quoi nous irons dans le mur. Conservateur sur les mœurs, il n’a jamais promis le moindre retour en arrière contrairement aux imbéciles qui le traite complètement à tort de réactionnaire catholique. Faudra m’expliquer pourquoi dans des pays où le libéralisme est moins honni que chez nous, l’uniforme scolaire – vieux serpent de mer en France – est toujours bien présent… Discret sur l’UE et l’€, il cherche à dissimuler son euroscepticisme alors que dire clairement en quoi il faut réformer sans jeter le bébé avec l’eau du bain pourrait être une force. On en reparlera, son statu-quo à base de Nations souveraines est à creuser et pourrait faire beaucoup de différences.
- M. Le Pen. Économiquement socialiste, planiste et dirigiste, le programme du FN concocté par M. Philippot est un savant mélange d’autoritarisme, de mercantilisme cher à Colbert et de repli sur soi autarcique digne des fascismes du XXème siècle. Neutre sur le plan sociétal, il vire au conservatisme pour ne pas perdre le socle initial issu de la droite courroucée par la soumission au politiquement correct de la droite dite de « gouvernement » notamment sur les questions liées à l’immigration. Sur l’Europe, MLP est souverainiste et se rapproche dans ses derniers discours du libéralisme politique (démocratie directe) des partis populistes européens qui sont manifestement plus libéraux que le FN actuel en particulier sur les autres sujets du fait de l’écroulement des mensonges socialistes ou de l’échec économique d’une troisième voie qualifiée poliment de « sociale-démocrate ».
De toute évidence le prochain président de la république devra s’expliquer face à ses contradictions idéologiques et les aspirations montantes dans les peuples occidentaux. Macron réunit le noyau dur des européistes alors que la défiance envers Bruxelles s’amplifie partout en Europe surtout après l’affront britannique, Fillon devrait clarifier ses positions sur le même terrain car une synthèse factice à la Sarkozy après la liquidation du gaullisme par Chirac (et Juppé dont on a tenté jusqu’au bout de nous imposer!) n’est plus tenable, Le Pen ne pourrait jamais appliquer son programme économique surtout en cas de sortie ou de dislocation de l’€. Un article paru dans le Point de cette semaine m’a semblé très intéressant: jamais la France n’a autant penché à droite et pourtant l’hypothèse d’un prochain président de centre gauche ou issu d’une droite divisée demeure la plus probable. L’universitaire en question, élève de René Rémond célèbre pour ses 3 droites depuis 1815 (Légitimistes réactionnaires, Bonapartistes autoritaires, Orléanistes libéraux) prédit l’explosion du parti Les Républicains issu de la fusion sur le papier impossible de courants contradictoires, jadis UMP mais surtout UDF et RPR, encore avant 1958 de l’auberge espagnole du CNIP.
Même si la conversion tardive de la Marine aux idées de droite sonne faux, le populisme hostile aux technocrates qui se cooptent entre eux n’a guère d’autres solutions que de proposer une démocratie plus directe avec un peuple in fine qui garde le dernier mot. L’exemple amusant est celui le UDC suisse qui déclenche le plus de référendums alors que cette procédure sert naturellement de garde fou au phagocytage de la démocratie par les partis, l’UDC étant ni plus ni moins le premier parti de Suisse… Soyons clair, le principal parti suisse use autant que possible de la principale arme populaire contre les partis pour s’assurer que les partis dits « mainstream » ne soient pas tentés contre la volonté populaire de diluer la confédération helvétique dans le grand machin UE. On a l’héritage culturel que l’on mérite, UKIP au Royaume-Uni ne décline pas son souverainisme sur un mode antilibéral à la fois jacobin et étatiste pas plus que l’UDC en Suisse ni le PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas. En France, on ne sait que penser de la volonté de Marine Le Pen de redonner au peuple sa capacité de s’exprimer, je fais encore moins confiance à ses sbires pour redonner au peuple sa souveraineté politique perdue sachant qu’aucune composante des droites françaises ne se soit spécialement battue pour cela au cours du temps. François Fillon dissimule son agacement face aux institutions de Bruxelles et ce soir c’était Pierre Moscovici, le technocrate par excellence qu’il est de bon ton de mépriser d’expliquer sur la radio publique France Inter pourquoi sortir de l’€ dans l’état actuel de la France serait un massacre et pourquoi il faudrait « mieux d’Europe ». La première partie de l’intervention est juste la seconde sonne comme « ne cassez pas l’outil qui me permet, malgré mon incompétence notoire, d’être très riche sur votre dos en conservant un status quo qui emmerde de plus en plus de monde ».
Les conséquences de la décision unilatérale de la chancelière Merkel sur les migrants et l’incapacité de traiter le cas grec dans la zone €, amplifiées par le Brexit montrent que le projet européen est voué à une mort prochaine. Les principaux candidats de 2017 n’en tiennent pas compte semble-t-il, même le FN reste flou dans ses intentions exactes. Le populisme de ce dernier qui dénonce l’incapacité des partis dits de gouvernements de fédérer autour d’eux assez de gens pour relancer un élan fédéraliste conduira nécessairement à une refonte des politiques en la matière. Pour le moment aucun candidat n’ose pour le moment s’aventurer sur ces thèmes ne le considérant pas encore comme assez porteur ou possiblement aussi parce que dépourvu de colonne vertébrale. Nigel Farage a prêché dans le désert mais a réussi son pari en 20 ans car il n’a jamais varié et même si les technocrates ont fait mentir (un peu) ses prévisions, une majorité de gens ont fini par se rallier à ses thèses constatant qu’il avait vu juste avant tout le monde. Chirac et Sarkozy ont soumis le RPR à la pensée unique, Marine Le Pen n’incarnant pas le recours, le réajustement sera probablement brutal et soudain. Je sens une accélération se mettre en place, ce sera certainement contre l’ultime tentative du système de ne rien changer incarnée par Emmanuel Macron qui va tout déclencher.
Complètement d’accord sur l’inéluctable persistence du clivage droite gauche, dont la célébration de la mort signe l’appartenance au fascisme. Celui de Le Pen ou celui de Macron. Celui de Macron semble incongru, il est réel.
D’abord le cynisme violent. Macron a bafoué avec mépris ses mentors, ses collègues et tous ses amis en mettant en avant sa personne charismatique exclusivement. Soutenu par des vieux milliardaires amoureux de sa petite personne (efféminé inverti et séducteur, il joue de son physique au maximum), il pratique la disruption sidérante et emploie tous les moyens mis à sa disposition par le ministère régalien qu’il a occupé au service exclusif de sa candidature: a Bercy on a toutes les fiches de paye…
J’oubliais, il a travaillé, je veuxdire vendu Alcatel à Nokia, Lafarge à Holcim, SFR à Altice, Alsthom à General Electric et l’aéroport de Toulouse à la Chine.
Il n’a strictement rien d’un libéral et se comporte (chômage, santé, retraite) comme un étatiste forcené qui de plus ne procède à aucune réforme de structure modifiant le statu quo qu’il installa avec Hollande en 2012. Rejoint et supporté par toute l’infrastructure socialiste mitterandienne, Bayrou et Conh Bendit comprise, il EST la gauche non communiste dans sa totalité telle qu’elle fut conçue par le pétainiste Mitterand dans les années 80. C’est le fascisme à la Française, très exactement, mariage pour tous inclus.
L’inéluctable accord avec les communistes (les tractations pour le ralliement au second tour ont déjà commencé) scellera la réalité de la chose. Mélanchon trahira une fois encore.
Que l’on puisse admettre ne serait ce que quelques instants que cette monstruosité soit quelque chose de nouveau ou de souhaitable est une marque de faiblesse intellectuelle et de pourriture cognitive caractérisée.
Moi, avec d’autres, je préfère la guerre civile à cette horreur. Contrairement à ce que bien des imbéciles croient, s’il est au second tour, Macron sera celui qui mettra Le Pen à l’Elysée et initiera une période prolongée de troubles politiques graves qui s’accompagneront rapidement de troubles économiques tout aussi graves. A nous de voir.