Les récentes confidences de Laurent Wauquiez à l’EM Lyon affolent le microcosme journalistique depuis quelques jours sans qu’on comprenne bien pourquoi. Qu’a-t-il lâché de si infamant? Que Fillon a été flingué sur commande? A la bonne heure! Que Sarkozy était suspicieux comme tout apprenti tyran? Quelle incroyable révélation! Que Merkel est aussi charismatique qu’un journaliste de France 3? Mon Dieu, personne ne l’avait encore remarqué! Que Darmanin est un petit Rastignac amateur de lentilles? Etc. Certes l’ami Wauquiez se fout du monde en faignant d’avoir été enregistré à son insu. Sa démarche semble dictée par un calcul cynique purement politicien : s’arracher à son image de technocrate fraîchement sorti de l’ENA incapable de sortir de la langue de bois et privilégiant sa carrière personnelle au détriment de ses convictions et de l’intérêt général, reproche principal formulé par les français à l’égard des élites politiques.
Il y a déjà plus de 2 ans, Xavier Bertrand tout juste élu président de région par des renforts venus de gauche, contre l’héritière Le Pen, avait changé de ton. Pour preuve, toutes ses phrases qu’il commençait par « mais ça les français en ont marre » sur un ton consterné et volontairement courroucé. Bertrand avait probablement senti que la déliquescence du pouvoir socialiste allait favoriser un dégagisme en 2017 qui affecterait aussi le parti de pouvoir classé à droite. Quand Jean-François Copé, confortablement assis sur le canapé rouge de Michel Druker, affirmait vouloir mettre fin à la langue de bois, c’était déjà en 2006, il se foutait du monde quand on sait la suite. Tout ceci laisse penser que les politiques, bien que conscients des fractures minant la société, n’attendent que la traduction dans les urnes pour réagir*.
Wauquiez semble donc prendre la mesure de la déflagration de 2017 et cherche à prendre les devants avant que les critiques journalistiques ne s’aventurent sur un autre terrain. Affirmer un positionnement conservateur d’une part et critique envers le chouchou des médias, l’intouchable président Macron, lui vaut un tir de barrage du microcosme très majoritairement progressiste. Wauquiez est austère mais lui ne balancerait pas du bullshit. Il serait cash, proche des « gens » avec sa parka rouge et son franc-parler. On dirait l’adaptation française du miracle américain qui a vu ce détonnant personnage qu’est Donald Trump se faire élire et qui est, depuis, tant recherchée en France. Marine Le Pen a bien essayé mais s’est montrée incapable de maîtriser les tenants et aboutissants, Trump étant nettement moins crétin qu’elle, malgré ce qu’en disent les médias US (ou français) ou ses plus consternantes pensées sur Twitter.
Encore une fois, face à cette grotesque mise en scène, les politiciens français révèlent leur nullité la plus totale. Nullité que ce soit dans la fabrication mensongère de l’homme populaire proche des aspirations du citoyen lambda ou dans la dénonciation outrée et surjouée du démagogue qui s’ignore tel M. Jourdain pris en flag’ pour sa prose. La France ne subissant pas encore le stade ultime de décomposition provoquée par le politiquement correct américain, des politiciens de carrière croient encore pouvoir renverser le jeu bien que sorti de l’école diplômante du capitalisme de connivence, du copinage étatiste professionnel, et à fortiori, depuis la tête de partis politiques discrédités par les 30 piteuses. Cet épisode risible apporte de l’eau à mon moulin : je ne prédis pas une grande carrière à Laurent Wauquiez. Ses tentatives de faire du buzz en mêlant maladroitement communication moderne et idées poussiéreuses ne devraient pas le mener bien loin, ses opposants de fortune non plus.
* Raison pour laquelle je ne vote plus qu’aux présidentielles, voter (sauf pour des petites listes aux ambitions très précises) ne sert plus qu’à donner encore une énième bouffée d’oxygène à un système à l’agonie qui mérite de mourir.