Fin de l’acte 1 de la farce Brexit. May démissionne enfin à l’issue de la pantalonnade de la veille : la participation des britanniques aux élections européennes, 3 ans après avoir exprimé leur volonté de quitter l’union. Après avoir tenté à plusieurs reprises de faire valider son accord de sortie en espérant vainement que l’expiration du délai accordé par l’article 50 exercerait une pression, avant de finalement implorer à Bruxelles un report, son sort et son échec étaient finalement scellés. Mais comment en pouvait-il en être autrement? Comment ratifier un accord de sortie avec un parlement majoritairement hostile au Brexit et incapable de prendre le risque de jouer sa peau face à l’UE (hard Brexit) ? Comment diriger un pays et pour commencer un parti conservateur qui refuse de trancher un question lancinante dans ses rangs depuis près de 20 ans?
Ce soir, les éloges pleuvent à Paris. La démission sur fond d’échec d’un chef d’état anglo-saxon de droite, c’est si rare et si savoureux qu’on peut même entendre des journalistes français de gauche (pas un pléonasme pour une fois) saluer le courage (à défaut de clairvoyance politique dirons-nous) de Theresa May. Plus regrettables sont les commentaires venus de gens ordinairement fins, prétendument libéraux, mais dont l’eurobéatitude ruine misérablement leur appréciation sur cette situation.
Revenir ce soir sur le référendum n’est pas plus pertinent qu’hier ou de le faire demain. Si Nigel Farage est eurodéputé depuis 1999, si David Cameron s’est mis en tête d’aller négocier des aménagements pour que l’UE s’occupe davantage de l’essentiel que de calibrer les pommes ou le volume de notre chasse-d’eau, entre autres, cela ne doit pas s’expliquer uniquement par la simple maladresse, le manque de sens politique. Quant à la nature du débat d’une question qui hante la politique locale depuis 15/20 ans, doit-on rappeler les innombrables bobards des remainers? S’agissant du coup de poignard (mais admirable sur le plan tactique) à des « alliés » Lib-Dem, avec l’annonce de la tenue du référendum après les élections générales de 2015, il faut encore rappeler quelques vérités trop facilement passées sous le boisseau. Les sympathiques Lib-Dems ont été bien plus occupés à renforcer l’intégration de l’UK dans l’UE et à légaliser le mariage homo plutôt qu’aider Cameron et Osbourne à ramer face aux gauchistes sponsorisés par la BBC sur l’opportune baisse des dépenses publiques. Et surtout, quand devient-il légitime d’interroger la population par référendum? 60% ? 70% ? 90% dans les sondages? On ne peut pas savoir puisque même perdu nettement, auprès de ces brillants démocrates europhiles, le résultat final ne suffit toujours pas à enterrer le soupçon d’illégitimité. Preuve que la légitimité ne découle pas d’un coup de sang, d’une humeur passagère. L’envie de Brexit polluait de plus en plus les débats internes de la droite et des libéraux eurosceptiques anglais, et surtout, depuis belle lurette. Nos commentateurs/experts/politiciens refusent d’analyser pourquoi. Dommage et c’est certainement la raison pour laquelle ici les envies de Frexit trouvent des motivations hélas bien plus socialistes que libérales.
Qui pour l’acte 2 de la farce anglo-bruxelloise? Nos mêmes médias et grands penseurs officiels sont révulsés à l’idée que ce soit le truculent Bojo. Vous savez ce crétin impulsif mal coiffé qui a déserté les rangs alors présenté comme l’un des principaux artisans du Brexit (alors que Farage avait fait probablement 99% du travail). Boris a tellement déserté les rangs du parti conservateur qu’il a été éphémèrement ministre de Theresa May et a démissionné quand il avait compris qu’elle n’avait aucune chance de parvenir à un accord satisfaisant. Un moment pressenti à la place de May, il avait déclaré ceci (et sentez combien chaque mot a été pesé par cet abruti impulsif, la PUNCH LINE prémonitoire):
Outre le biais de confirmation qui embrume nos esprits les plus brillants, ceux-ci souffrent aussi de confondre petite histoire (l’actualité, le bruit médiatique) avec les tendances plus lourdes, l’Histoire. Malgré les inimitiés personnelles, le manque de courage et/ou de convictions dictés par des impérieuses nécessités matérielles qui découlent sur des choix erratiques, des lourdeurs tant politiciennes, journalistiques que bureaucratiques, les choses avancent un peu au Royaume-Uni (Et s’il en sort encore Uni, la gifle sera saignante pour l’UE, Barnier & cie, salauds aussi sur la question irlandaise bien plus que sur celle des socialistes europhiles mais surtout pétrolifères d’Ecosse). Après la crise il fallait faire des choix politiques forts sur le plan économique, Cameron les a fait, l’économie britannique l’en remercie aujourd’hui. Il faut désormais placer à Westminster une majorité de Brexiters prêts à en découdre, au hard Brexit s’il le faut pour que la farce prenne fin. C’est en cours car chez les anglais pragmatiques, on sait sérier les problèmes. J’ignore comment cela va se faire, s’il faut casser le parti conservateur (les travaillistes socialistes avec Corbyn n’arriveraient même pas à gagner en France, c’est dire) ou que Farage et son nouveau parti oblige une coalition temporaire, mais ça va se faire. Surtout si comme on peut ce soir le supposer, le Brexit Party est arrivé très largement en tête des élections d’hier et avec des torries au pied du mur, dans l’obligation de changer bien plus que la pauvre Theresa May.