Matthieu Laine vient de publier un nouvel ouvrage intitulé « Il faut sauver le monde libre« . La lecture des premières pages est très plaisante mais ne va convaincre que les convaincus. Le mal est très profond, les maux dont souffrent le pays sont parfaitement connus, ils sont grosso modo les mêmes partout en occident et partout aussi, les fausses solutions, la fuite en avant se poursuit. La France cultive deux paradoxes essentiels toutefois. Le premier c’est une détestation de la pensée libérale qu’elle a pourtant largement façonné. Le second c’est d’être un pays communiste qui marche, encore à peu près dirons-nous. La résilience de notre économie, de notre société face à l’immensité des bêtises planistes, égalitaristes, constructivistes bien souvent liberticides que nos politiciens leur ont infligé est proprement stupéfiante. De quoi croire à l’optimisme de Laine, c’est toujours ça. Mais que faut-il sauver? Le Libéralisme? Certainement. Ne serait-ce pas plutôt les conditions de son éclosion, puis de sa prospérité qui serait en jeu?
Comme l’explique très bien Laetitia Strauch-Bonart, il y a de lourds malentendus sur la pensée libérale et ses bienfaits que tels d’affreux ingrats nous nous plaisons à dédaigner.
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Matthieu Laine part aussi de ce constat en rappelant pourquoi au cours des siècles, une drastique (au prix souvent tragique) sélection de bonnes pratiques, règles a aboutit à un ordre libéral. Mais cet ordre est fragile tant ses adversaires sont nombreux, déterminés et peuvent compter sur la paresse intellectuelle, l’amnésie au mieux et l’ignorance au pire, et hélas, sur les plus vils penchants humains aussi. Laine dresse ce constat juste qu’actuellement les populistes, les adorateurs des démocraties illibérales se fourvoient dans leur prétendue défense de l’occident. Je ne cesse de le dire et de l’écrire mais pour le petit garçon de presque 10 ans que j’étais et qui a vu le mur de Berlin tomber, qui commençait à comprendre les conséquences historiques, entendre aujourd’hui la démocratie libérale questionnée, les vertus du capitalisme remises en cause c’est un caprice d’enfant gâté. Pire. Un scandale moral, une indécence rare en fait, une monstruosité assurément.
Je viens aussi de finir « Soumission » de Michel Houellebecq que Laine brocarde en le rangeant dans la catégorie des intellectuels inutilement nostalgiques et maladivement inquiets de l’avenir comme d’autres à droite, Zemmour en tête. Je ne suis qu’au quart du livre de Laine mais je sens pointer une divergence de fond. Le livre de Houellebecq dépeint une société résignée, apathique, incapable de défendre ses valeurs, sa civilisation et qui se soumet, comme une évidence, par une transition souple huilée par des représentants qualifiés de centristes et modérés. Houellebecq est peut être un être chétif et maladif, il n’en demeure pas moins prophétique jusqu’à des détails troublants, situant son action rive gauche, chez les intellectuels qui se prennent pour des phares et qui en fait n’éclairent rien et se soumettent platement. Ils se résignent d’abord à leur propre décadence (la fameuse « médiocrité consentie » repérée par Christian Saint-Etienne dans « France état d’urgence« ) pour ensuite se soumettre en se vautrant dans le confort apporté par le changement de paradigme. Confort inégal, injuste et parfois aux antipodes des valeurs occidentales mais tant pis, alea jacta est, ce qui est perdu n’est plus à défendre. Plus anecdotiquement, le fait que la place de la Contrescarpe apparaisse m’amuse, c’est probablement là que Macron a volontairement abandonné la pensée libérale en se vautrant dans l’arbitraire et la raison d’état qui le protégerait de tout abus.
Puisque Laine parle beaucoup de Karl Popper, interrogeons-nous sur le sens de son paradoxe. Le propre des sociétés libres, c’est d’abriter en leur sein et même de protéger par le droit, des idées et des hommes qui leur sont violemment hostiles. Les démocraties libérales peuvent s’en honorer même. Tels les intellectuels déclassés qui selon Schumpeter vont militer pour le socialisme et agir donc contre l’ordre libéral précaire, il faut parfois agir vigoureusement pour remettre le clocher au centre du village en contradiction avec les idéaux de liberté et de tolérance. Or que faire aujourd’hui? La civilisation occidentale, le monde libre se défend très mal en ce moment et se cherchent des gourous aussi habiles contre le politiquement correct que potentiellement menaçants pour les libertés. En face une minorité en essor propose une autre civilisation, d’autres lois et ne semblent pas véritablement décidée à se diluer dans les valeurs occidentales. Il faudra aussi m’expliquer pourquoi ces intellectuels libéraux qu’on présente comme des génies des XVIIIème et XIXème siècles aient pu autant se tromper dès lors qu’ils parlaient de l’Islam, une religion prosélyte, réfractaire à la séparation du spirituel et du temporel et qui n’hésite pas à venir avec son propre code civil. Existe-t-il seulement une phrase du prophète musulman semblable au piège tendu au Christ qui répondit selon le nouveau testament par : « Rendez-à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu » ? Les interprétations multiples me semblent expliquer l’une des différences majeures (la principale?) de la civilisation occidentale vis à vis des autres, précédentes ou expérimentant autre chose au même moment, voire plus tard comme dans le cas de l’Islam.
Les chiffres, même quand ils proviennent de l’INED, restent le sujet de polémiques brûlantes. La démographie est la science sociale la plus fiable car la plus simple à exprimer d’un point de vue mathématique. Les femmes d’origine immigrée font plus d’enfants, plus de 2 (expansion) et les françaises d’origine européenne moins de 2 (contraction). Après quelques décennies, mathématiquement, les gens d’origine extra-européenne – sans considération de ce qu’il va advenir du solde migratoire – vont devenir majoritaire et l’Islam comme religion en France aussi. Comme le docteur Laurent Alexandre, Matthieu Laine pense-t-il inéluctable qu’avant la fin du siècle, la France sera majoritairement peuplée par des populations d’origine extra-européenne et majoritairement musulmanes? Si oui, comment défendre le monde libre, les idées libérales? En France, beaucoup de musulmans deviennent athées, mais les idées extrêmes avancent quand même aussi. Des populations aux mœurs conservatrices votent encore pour des islamo-gauchistes progressistes pour avoir la paix, par clientélisme. Ils les jetteront probablement quand ils seront en nombre, la poussée de l’Islam politique est grandissante.
J’attends le livre de Matthieu Laine au tournant. Seuls les esprits débiles au sens littéral du terme peuvent contester le recul des idées libérales et ne pas s’en offusquer. Mais comment défendre notre civilisation quand celle-ci se refuse à toute action en face de la montée d’une autre qui se propose de la remplacer? Une politique purement protectionniste vis à vis des migrations n’est probablement pas appropriée car il est possiblement trop tard, les articles des décodeurs du Monde ou de libé désintox déraillent toujours subitement dès qu’on parle d’immigration, d’Islam ou de l’UE. Ils contesteront les chiffres de taux de fécondité qui se maintiennent au cours du temps sans voir ce qu’il se passe dans le monde musulman. Erdogan ou d’autres savent bien que dans le monde demain, l’IA ne remplacera pas la force de la démographie. Les esprits réactionnaires à la Zemmour ou Houellebecq ne parlent de ce poids de la démographie que comme moteur des changements historiques. Ce dernier cite l’historien anglais Toynbee pour qui « les civilisation ne meurent pas, elle se suicident« . Invoquer les conditions des sociétés libres de Popper sans son paradoxe ni parler des actions à mener si d’aventure l’Islam venait à devenir majoritaire, ne serait-ce pas ça le suicide?
Sur la démographie et l’écart de fécondité, j’ai à cœur d’expliquer que l’âge de la mère compte autant, sinon plus que le seul taux d’enfants par femme. Si on fait ses enfants à 25 ans en moyenne on a 4 générations par siècle, mais 3 uniquement si on les fait à 33 ans. Les CSP++ deviennent parfois mères à 40 ans quand d’autres deviennent grands-mères. Évidemment ce fait est une bombe et ne sera jamais étudié par les démographes officiels vu les conclusions sur le taux de drépanocytose et QI moyen, études des femmes etc. qui pourraient alimenter la fachosphère.
Exact je ne suis pas rentré dans ces considérations. Je le vois autour de moi, bac+5 bons niveaux de vie etc. 2 enfants max pondus en 40 ans tandis que la queue aux allocations familiales de Bobigny où je bosse, c’est 3 avec une mère visiblement de moins 30 ans. On va dire que ça c’est la partie mathématique que les décodeurs & cie refusent d’admettre, se rappeler du tir de barrage inouï à un billet de Charles Gave il y a un an ou deux.
Sur le QI, je suis plus circonspect. c’est plus la recherche du biais de confirmation de gens type Laurent Obertone qui part du principe que l’immigration est forcément néfaste. En fait ça appelle une autre question amusante pour les conservateurs en peau de lapin qui nous servent de droite en France : Ils sont viscéralement accrochés aux allocations familiales alors que même du temps où elles étaient inconditionnelles, elles servaient déjà de subventionnement pour que les ménages pauvres puissent faire des enfants.
Avec les récentes indexations aux revenus des ménages, le modèle d’allocations familiales et autres allocs servent clairement à déresponsabiliser les ménages modestes et à ne plus assumer leurs charges si ce n’est que par les autres. Plus les autres pompes aspirantes encourageant une immigration de peuplement et non exclusivement de travail.
Mon sentiment c’est que face à ce basculement de ratio de population entre population française issue de France et d’Europe vs populations issues d’ailleurs qui promet d’être très rapide dans les années à venir, nous avons mis tout en oeuvre pour que la simple animation d’idées libérales et de mise en place de solutions libérales face au défi de l’immigration soient tout bonnement trop tardives voire déjà caduques. C’est sur cette question que j’attends Laine ou Alexandre. En soutenant un technocrate socialiste comme Macron je crains qu’ils n’aient déjà répondu à ma question. Ils sont eux aussi en mode « après moi le déluge ».