Le retour de Sarkozy est-il voué à l’échec ? Déjà un échec ?

Comme je le notais dans un précédent billet, le premier entretien télévisé et politique de l’ancien président m’avait modérément plu pour ne pas dire franchement agacé. Recadré par ses conseillers, il a depuis troqué le « je » par un « nous » certes plus collectif mais éloignant son propos de son arme principale, à savoir l’énergie brute, gonflée à la testostérone qui le caractérisait et répondait parfaitement au désir de la droite française de se ressaisir après l’immobilisme chiraquien en 2007. Or depuis qu’il a un encombrant bilan, chacun sait que cette énergie belliqueuse ne fut finalement pas employée à renvoyer les syndicats à leurs chères études marxistes mais davantage à multiplier les dérapages verbaux déplacés de la part d’un chef d’état dont on attend hauteur et sagesse ainsi que cohérence dans l’action. Sarkozy avait beaucoup bavardé et tourné en rond sans vraiment réformer, comment remettre les compteurs à zéro ?

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Chuis candidat, mais ché changé… Encore audible après tant de changements?

Les réunions publiques suivantes ont levé le voile sur son nouveau positionnement et sa stratégie pour surprendre, faire parler de lui sur le fond et non sur la forme saturée et polluée sur les affaires et son bilan qui l’ont conduit à la défaite à la différence des Merkel et Obama dont il avait tenté de faire croire qu’il jouait dans la même cour. Plus participatif avec les séances de questions/réponses, plus drôle et moqueur, il donne dans un faux modernisme qui le dessert au fond : En quoi une moquerie finalement très facile sur Cécile Duflot donne de l’épaisseur à son propos d’une part et un élan de l’autre ? Pire, aucune de ses propositions n’émergent vraiment comme nouvelle et n’attire les commentaires, le soufflet Sarkozy est bien vite retombé. Et pourquoi subitement des référendums alors qu’aucun n’a été organisé entre 2007 et 2012 et qu’il s’est essuyé les pieds sur celui de 2005 ? On lui aurait pardonné si les traités bâclés signés à la va-vite pour sauver l’euro avaient produit leur effet, la crise de l’euro semblant revenir au galop avec une BCE à poil cette fois-ci, nul doute qu’il aura bientôt à affronter le FN en fâcheuse posture ! Encore pire, à jouer la comédie avec un talent d’acteur, certes hors norme, l’ancien président se donne en spectacle ringardisant non pas ses adversaires politiques mais ces vieux-beaux qui enchainent alimentairement les comédies de boulevard à la Sasha Guitry persuadés que c’est de la grande culture française, bien aidés il est vrai par les subventions publiques pour enchaîner les fours sans en payer le prix et sans disparaître des écrans radar médiatiques. Sarkozy s’est mué en acteur donc, en un homme aux visages multiples, un caméléon sympathique qui répond avec plus de férocité et de mordant au monsieur « petites blagues » qui occupe encore l’Elysée. Sarkozy n’a peut-être pas comme principal moteur la revanche sur celui qui, aidé par tout un système médiatico-politique appelant l’élection d’un nanti qui se moque éperdument des plus modestes – conformément à l’histoire de la gauche depuis 1945 – les sans-dent, mais il lui sera délicat d’évacuer cette suspicion.

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Erreur facile #1 : Croire que n’importe qui et n’importe comment peut battre Hollande, c’est à Valls qu’il a remis les clés de son destin et à personne d’autre.

Cependant il faut reconnaître qu’il était anormal que l’UMP en proie à des difficultés financières et des scandales puisse être présidée soit par le Bruno Le Maire qui n’avait pas pu se présenter en 2012 soit par Hervé Mariton, estimable et éphémaire ancien ministre et activiste de la Manif pour tous. Ce mouvement avait d’ailleurs exposé au grand jour la vacuité des idées conservatrices et le malaise de l’UMP face à cette initiative populaire d’une ampleur totalement imprévue et sommant les dirigeants de droite à cesser de se plier aux diktats des faiseurs d’opinion en France, essentiellement progressistes. On ne peut pas comprendre aussi qu’aucun des Alain Juppé, François Fillon voire Xavier Bertrand, tous candidats affichés aux primaires de 2016, renoncent à la présidence du parti. Sarkozy a donc cru pouvoir saisir la balle au bond en soulignant la couardise des autres. Seul Le Maire qui croit en ses chances pour peser à l’avenir est parti à l’abordage avec ou sans l’hypothèse Sarkozy : Il a 1000 fois raison, on ne devient jamais un leader si on ne croise jamais le fer avec le futur leader déchu. Si d’aventure les autres candidats à la primaire veulent que l’élection à la présidence ne tourne pas en un plébiscite trop explicite, ils s’arrangeront pour que Le Maire fasse un score qui oblige Sarkozy à composer avec lui. Sa thématique du renouveau n’allant pas loin, il pourrait être facile à maîtriser… Dans mon dernier billet à ce sujet je concluais que Le Maire avait les clés de son destin : Sous réserve de progresser en capacité de persuasion et en débat, il aura certainement une fenêtre pour ringardiser tous ces aspirants handicapés par leurs bilans à l’Elysée ou à Matignon.

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Combien de favoris 2 ans avant l’élection se sont effondrés dans la dernière ligne droite?

Mariton est bien plus courageux sur ses convictions et son passage chez Ruquier était révélateur : Ferme sur ses bases, assumant et argumentant sur tout ce que la droite avait cédé, j’attendais un Caron vindicatif et hargneux. Je fus déçu. La rondeur quasi tactile faisant craindre l’immobilisme chiraquien de Le Maire fonctionna cependant bien mieux : Pour preuve, Mariton fut très (trop évidemment) longuement interrogé sur son attaque (basse) envers Le Maire sur un passage d’un de ses premiers bouquins politique/littéraire au cours duquel il narre comment sa femme le branle au lit. Le coup de grâce fut porté par Léa Salamé : Je m’attendais à ce que Mariton soit fustigé sur son programme économiquement libéral et enfin assumé par un type de droite, mais il n’en fut rien finalement, la chroniqueuse lui fit remarquer avec justesse qu’il était tout à fait étonnant qu’un partisan aussi intransigeant de la liberté économique se montrât aussi dirigiste et interventionniste sur le plan sociétal. Si on se rappelle du même tribunal la semaine précédente face à Zemmour, on aura presque espoir que les idées libérales faisaient leur tout petit bonhomme de chemin…

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On prend les mêmes et on recommence en espérant que l’expérience produira des effets différents? WTF??

Avec Sarkozy acteur exagérant une drôlerie inappropriée, un Le Maire tactiquement propulsé pour mettre un caillou dans sa chaussure et un Mariton résolu et ferme avec l’ennui inhérent de l’ingénieur pragmatique enfermé dans la manif pour tous, on devine la suite en ce qu’elle pourrait avoir de meilleur. Le Maire pourrait être battu nettement mais avec de bonnes les cartes en main. N’oublions jamais que Sarkozy cherche à revenir tandis que la Police ou Patrick Buisson disposent d’enregistrements possiblement compromettants : De cette simple constatation, son retour n’est pas raisonnable. Les médias subventionnés, eux, ont déjà choisi  pour le coup d’après : Juppé. Or la seule qualité de ce dernier, c’est de ne pas autant déplaire à des électeurs de gauche qui ne voteront jamais pour lui sauf s’il est opposé au second tour à Marine Le Pen. Pour rassembler au premier tour, les profils sérieux se réduisent et il n’y a pas d’engouement pour Juppé, juste de la sympathie pour un homme qui ne fait pas de vagues après Sarkozy mais aux idées aussi creuses que la droite d’avant la crise. Quant à Sarkozy déjà en baisse dans les sondages, il doit remonter une pente bien savonnée dès lors qu’il s’agira de parler aux français et plus seulement à son fan club aveuglé et d’une incroyable indulgence. Ultime hypothèse, le trop-plein de présidentiables incapables de se liguer pour avoir la peau de Sarkozy alimentera une guerre des chefs faisant sombrer la droite : Non seulement probable mais on aurait du mal à dire après qu’elle ne fut pas exacerbée par le retour à contretemps et au fond déraisonnable de Nicolas Sarkozy.

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A propos Duff

Ingénieur consterné par le monde dans lequel il vit...
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